Fraudes & contentieux :
le Forensic Accounting pour faire parler
les chiffres et déterminer les faits
Introduction
Qu'ont en commun le trésorier d’un restaurant d’entreprise découvrant un trou inexpliqué dans sa caisse, un entrepreneur souhaitant fiabiliser son Track record, ou un dirigeant de PME en quête de vérité sur les malversations financières de son ex-épouse ?
Tous ont fait appel à un « Forensic Accountant ».
Véritable détective financier, cet expert navigue entre chiffres et preuves pour déterminer les faits. Mais en quoi consiste réellement ce métier ? Dans quels contextes intervient-il et pourquoi est-il devenu indispensable aux entreprises et aux institutions ?
Le rôle du « Forensic Accountant »
Fraude financière ou comptable, abus de bien social, détournement de fonds, litige commercial, soupçon de corruption… Dans ces situations complexes, les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes. Il faut les décrypter, les mettre en perspective et surtout, les confronter aux faits. C’est précisément le rôle du Forensic Accountant : un expert hybride, à l’intersection de plusieurs fonctions : comptable, enquêteur et analyste financier.
En somme, il s'agit d'un "Sherlock Holmes" à lunettes, aussi à l'aise devant un témoin à interroger que devant un fichier Excel, une boîte email, une montagne de factures ou une pile de relevés bancaires.
Son expertise peut être sollicitée dans le cadre d’alertes éthiques, de soupçons de fraudes, de fraudes avérées ou de litiges portant sur des questions comptables ou financières. Il peut également être mandaté pour valider l’exactitude et l’exhaustivité de données financières, ou intervenir dans le cadre de due diligence Forensic.
Mais concrètement, comment travaille-t-il et quelles sont ses méthodes ?
Une approche pluridisciplinaire
Le premier travail du "Forensic Accountant" consiste à comprendre les enjeux de la problématique du client afin de le guider sur les procédures à entreprendre, en fonction des risques et des résultats potentiels.
Le Forensic Accountant travaille rarement seul. En fonction des besoins de son investigation, il s’entoure de plusieurs spécialistes :
• Spécialiste en analyse de données (data analysis) : utile lorsque l’enquête implique d’analyser un volume massif de données structurées,
• Spécialiste eDiscovery : en charge de la récupération des données non structurées sur divers supports électroniques (ordinateurs, serveurs, téléphones, disques durs, etc.), tout en garantissant leur recevabilité légale et en les mettant à disposition sur une plateforme de revue,
• Expert en OSINT : responsable de collecter des informations en open source (médias, réseaux sociaux, bases de données payantes) et d’identifier des liens cachés entre individus et entreprises,
• Avocats : indispensables lorsque l’enquête touche à des questions juridiques complexes (fraude fiscale, litiges internationaux, évasion fiscale),
• Spécialiste en évaluation financière : nécessaire pour remettre en question des valorisations, analyser des business plans ou identifier des incohérences dans les projections financières.
L’investigation est un processus itératif. Au fil des découvertes, l’angle d’analyse peut évoluer, entraînant l’implication de nouveaux experts ou l’approfondissement de certaines pistes.
Un processus d’investigation structuré et rigoureux
Le processus mis en œuvre va bien au-delà d’un simple audit financier. Il comprend plusieurs étapes clés :
• Analyse des données comptables : Ce stade inclut l’examen des balances générales, des grands livres, des transactions bancaires et des rapprochements financiers,
• Collecte et examen des preuves : il consiste à éplucher et recouper les informations issues des factures, contrats, relevés bancaires, emails, bons de commande et justificatifs de paiement,
• Établissement de liens : il met en relation des événements, des acteurs et des transactions pour reconstituer des schémas d’irrégularités,
• Interrogation des témoins et parties prenantes : il confronte les versions, croise les informations et revient plusieurs fois sur un même sujet si nécessaire,
• Reperformance de calculs complexes : il vérifie la cohérence des évaluations financières, des marges et des indicateurs de performance,
• Analyse critique des documents : il ne prend jamais une information pour argent comptant et traque les incohérences. Par exemple, une facture datée de décembre avec un numéro 001/2022, une adresse qui ne correspond pas à celle de la société ou un achat inhabituel représentent autant de signaux d'alerte qui méritent d'être approfondis.
Cette capacité à remettre en question chaque élément et à investiguer au-delà des apparences est ce que l’on appelle le Forensic mindset: un état d’esprit aiguisé, curieux, critique et attentif au moindre détail.
Le rapport Forensic : un document clé
Contrairement à un audit financier classique, une mission Forensic aboutit à un rapport détaillé et circonstancié, souvent destiné à être utilisé en justice ou dans un cadre de négociation. Il comprend :
• Le périmètre de l’enquête et les méthodologies utilisées,
• Les limites et contraintes rencontrées,
• Les constats et preuves documentées,
• Une analyse des impacts financiers.
Le saviez-vous ?
La rédaction de ce rapport représente en moyenne 40 % du temps total de la mission, tant l’exactitude et la rigueur sont essentielles.
Conclusion
Le Forensic Accountant est un véritable couteau suisse, combinant expertise comptable et financière, connaissances juridiques et fiscales, ainsi que des compétences analytiques et psychologiques. Ce mélange unique lui permet d’aller au-delà des chiffres, d’identifier les véritables enjeux cachés derrière des documents comptables, et d’apporter des réponses claires dans des contextes où chaque détail compte.
Alors, face à une suspicion de fraude ou à un doute concernant des transactions financières, mieux vaut ne pas hésiter : le Forensic Accountant est là pour faire parler les chiffres… et déterminer les faits.
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