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Dark commercial patterns, la vigilance s’impose ! |
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Les Dark commercial patterns font de plus en plus parler d’eux et sont au cœur des préoccupations des acteurs majeurs en matière de contrôle et répression des pratiques économiques susceptibles d’être dommageables pour les consommateurs.
Au niveau international, l’OCDE a publié, fin 2022, un rapport dressant un état de ces pratiques.
De son côté, la Commission européenne, avec l’aide notamment de 23 Etats membres de l’UE a, dans le même temps, passé en revue 399 boutiques en ligne de commerçants vendant des produits allant du textile à l'électronique. Les conclusions de cette enquête ont révélé que près de 40% des boutiques en ligne ont recours à des Dark commercial patterns1.
En France, la DGCCRF, autorité de contrôle et de répression des fraudes, lutte activement contre ce type de pratiques et y sensibilise les consommateurs. Par exemple, elle a publié sur son site un guide pratique pour reconnaître, éviter et signaler les Dark commercial patterns2.
Dans quelle mesure, en tant que professionnel, êtes-vous concernés ? Peut-être bien plus que vous ne le pensez…
Que sont les Dark commercial patterns ?
Ils n’ont pas à date de définition juridique propre. Il s’agit avant tout d’une expression issue de la pratique du design d’interfaces utilisateurs qui a pour objet de façonner le parcours client sur le site de vente en ligne, afin de maximiser les chances de conversion ou assurer la rétention client.
Jusque-là, « business as usual » pourrait-on rétorquer. C’est sans compter l’ingéniosité des designers qui, combinée avec les recherches en neurosciences, ont pu façonner des interfaces de façon à conduire les utilisateurs à adopter un certain comportement.
En somme, il s’agit selon la DGCCRF, « des interfaces internet truquées ou trompeuses, des messages textuels, des présentations ou des fonctionnalités particulières, volontairement conçus pour pousser [le consommateur] à faire des choix qu’[il n’aurait] pas fait en leur absence. Il s’agit de techniques ou procédés internet manipulatoires qui vont biaiser [leurs] choix et [les] amener à commander des produits ou souscrire des services [qu’ils n’auraient pas] pleinement choisis.3 ».
A ce titre, la DGCCRF vise notamment les mécanismes susceptibles de créer une urgence dans l’esprit du consommateur, à travers par exemple, des mentions « Plus que X articles en stock ! », la succession de clics nécessaires pour obtenir quelque chose (un remboursement) ou le refuser (le partage de certaines données personnelles), décourageant ainsi le consommateur de persévérer dans sa demande.
Or, ces mécanismes sont souvent utilisés par les professionnels pour retranscrire une réalité (il reste vraiment X articles en stock), s’assurer d’obtenir ou de donner le maximum d’informations au consommateur ou encore, tout simplement pour se donner une dernière chance de retenir le client.
Quand un tel mécanisme devient-il manipulateur ou trompeur ? Sur quels critères se fonde la DGCCRF pour déterminer si un mécanisme d’optimisation est, ou non susceptible de constituer un Dark commercial pattern ?
Comment identifier un Dark commercial pattern « dans le viseur » de la DGCCRF ?
La DGCCRF les appréhende principalement sous l’angle des pratiques commerciales déloyales et plus précisément, des pratiques commerciales agressives ou trompeuses.4
En effet, s’agissant des pratiques commerciales agressives par exemple, l’article L.121-6 du Code de la consommation réprime les pratiques qui (i) par des sollicitations répétées et insistantes ou (ii) l’usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent peuvent notamment :
- Altérer ou être de nature à altérer de manière significative le comportement du consommateur,
- Vicier ou être de nature à vicier le comportement d’un consommateur,
- Entraver l’exercice des droits contractuels d’un consommateur.
On reconnaît ici des éléments susceptibles de tomber dans la définition des Dark commercial patterns avancée par la DGCCRF.
Par ailleurs, le législateur a pu se saisir de la question de façon plus ciselée. Il a notamment imposé une résiliation par voie électronique en trois clics des contrats conclus avec un professionnel dès lors que ce dernier offre la possibilité de conclure des contrats par voie électronique.6
Dans cette perspective, il convient donc d’effectuer une analyse des mécanismes mis en place sur les interfaces à la lumière de la règlementation en matière de pratiques commerciales déloyales et le cas échéant, sous l’angle de réglementation plus spécifique pour déterminer s’ils sont susceptibles d’être sanctionnés.
Quelles sont les sanctions ?
Les pratiques commerciales trompeuses et agressives sont pénalement sanctionnées par une peine d’emprisonnement de 2 ans et 1,5 million d’euros d’amende pour une personne morale (art. L.132-2 et -11 du Code de la consommation).
L’absence de résiliation en ligne en trois clics est sanctionné par une amende administrative pouvant atteindre 75 000 euros pour une personne morale.7
« Je vends mes produits ou services en BtoB, cela ne me concerne pas… ». Détrompez-vous !
La règlementation en matière de pratiques commerciales trompeuses s’applique à celles qui visent les professionnels et les non-professionnels ! 8
1
Consumer protection: manipulative online practices found on 148 out of 399 online shops screened
2 Pièges sur les sites de commerce en ligne : attention aux dark patterns !
3 Ibid
4 Ibid
5 Le non-respect de cette disposition est notamment sanctionné par une peine d’emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros qui peut être portée à 1,5 million pour les personnes morales en vertu du Code pénal (Art. 132-11 du Code de la consommation)
6 Résiliation en ligne, quels impacts pratiques pour les entreprises ?, Sahra Hagani et Marcela Szczech, éditions législatives, 14 avril 2024
7 Art. L.241-3-1 du Code de la consommation
8 Art. L.121-5 du Code de la consommation
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Sahra HAGANI |
Avocate Associée,
Droit économique
T : +33 (0)1 41 16 27 16
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Marcela SZCZECH |
Avocate,
Droit économique
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